La réforme du remboursement des fauteuils roulants favorisera-t-elle vraiment les fabricants européens ?

Le gouvernement a fourni une FAQ afin d’informer sur la réforme du remboursement des fauteuils roulants. Une des questions abordées, sur la favorisation du « Made in Europe » grâce à la réforme nous a interrogé. Analysons ce que dit le texte du gouvernement :

« Tous les fauteuils roulants doivent obligatoirement porter un marquage CE, qui autorise leur commercialisation en Europe »

Les fauteuils roulants sont des dispositifs médicaux au sens du règlement (UE) 2017/745, et, pour être mis sur le marché dans l’Espace économique européen, ils doivent effectivement être conformes à ce règlement et porter le marquage CE.

Dans l’arrêté du 6 février 2025, section « Exigences générales », la prise en charge par l’Assurance maladie est subordonnée au « respect des exigences du Règlement (UE) 2017/745 » et à la preuve du marquage CE par une déclaration de conformité UE.

Sur ce point, le texte donné décrit correctement la situation : un fauteuil remboursé doit être un dispositif médical dûment CE.

fauteuil roulant électrique fabriqué en France

« ainsi qu’un certificat attestant de leur conformité à des exigences renforcées en matière de sécurité et de qualité, comme les normes NF EN 12183 et NF EN 12184. »

Là encore, l’arrêté confirme l’existence de ce certificat de conformité, délivré par le CERAH ou un autre laboratoire européen indépendant accrédité, pour attester que le modèle respecte les spécifications techniques définies dans le titre IV.

La même section renvoie explicitement aux normes NF EN 12183 (fauteuils manuels) et NF EN 12184 (fauteuils électriques), ainsi qu’à la série ISO 7176 pour les essais. Dire que la nomenclature impose ces références techniques est exact.

« Les usagers privilégiaient souvent les fauteuils les moins chers »

Cette phrase décrit une tendance plausible (les contraintes financières poussent vers des produits moins chers), mais elle reste très générale et ne s’appuie sur aucune donnée publique précise.

Le choix d’un fauteuil ne dépend pas uniquement de l’usager. Il implique des médecins, des ergothérapeutes, des prestataires, parfois les MDPH, avec des critères cliniques et techniques.

Il n’existe pas de statistique officielle montrant que les usagers privilégient massivement les fauteuils « non européens » plutôt que d’autres, ni que le critère géographique serait déterminant par rapport au prix, à la disponibilité ou au service après-vente.

Le propos joue sur une intuition (les personnes financièrement contraintes cherchent des solutions moins chères) sans distinguer les fauteuils très basiques peu chers des fauteuils sophistiqués importés, y compris de pays non européens, qui sont au contraire positionnés sur le haut de gamme.

Il s’agit donc davantage d’un récit simplificateur qu’un constat objectivé.

« La prise en charge intégrale encouragera l’utilisation de fauteuils de meilleure qualité »

Les spécifications techniques minimales de la nomenclature sont effectivement plus détaillées et plus exigeantes qu’auparavant (angles de réglages, stabilité, exigences de performance, exigences de service après-vente, etc.). La réforme lie clairement le remboursement intégral au respect de ces spécifications.

Mais le passage franchit un pas supplémentaire en affirmant une relation quasi automatique entre réforme et « meilleure qualité ». En réalité les spécifications définissent un plancher de qualité et de sécurité, pas un plafond de performance.

La présence d’un prix limite de vente (PLV) et la pression sur les coûts incitent aussi certains acteurs à rester au plus près du minimum exigé. Des fauteuils  « conformes » ne sont pas forcément les plus confortables, les plus durables ou les plus innovants.

La causalité présentée (réforme = meilleure qualité) relève davantage d’une promesse politique que d’un fait démontré.

« Ces fauteuils de meilleure qualité sont souvent fabriqués en France ou en Europe »

Cette affirmation introduit une équation implicite : qualité = fabrication européenne.

De nombreux fabricants européens produisent effectivement des fauteuils de qualité élevée, mais il existe aussi des produits hauts de gamme non européens (notamment nord-américains ou asiatiques) et, à l’inverse, des produits européens d’entrée de gamme.

Le texte ne se réfère à aucune étude comparative indépendante qui établirait que, à exigences normatives identiques, un fauteuil européen offre systématiquement une meilleure qualité qu’un fauteuil non européen.

La phrase sert surtout un double message. La réforme améliore la qualité pour les usagers et soutient implicitement l’industrie française/européenne.

Cette articulation reprend un argument classique de politique industrielle (souveraineté, relocalisation, montée en gamme) plutôt qu’un constat strictement technique.

« La réforme ne discrimine pas les produits non européens »

L’arrêté ne fixe aucune origine géographique obligatoire pour la fabrication, il exige seulement, pour les VPH fabriqués hors UE, l’existence d’un distributeur implanté dans l’Union européenne capable d’assurer le service après-vente sur le territoire français.

Les exigences techniques (marquage CE, conformité NF EN 12183/12184, tests ISO 7176, certificat délivré par un labo européen accrédité) sont théoriquement les mêmes pour tous, quelle que soit l’origine du produit.

Retour en haut