Option d’achat après six mois de location : un choix encadré plus qu’un véritable levier d’autonomie
Après six mois de location de courte durée d’un fauteuil roulant électrique, trois voies s’ouvrent :
- une option d’achat,
- une prolongation exceptionnelle de la location de 13 semaines,
- ou le refus d’achat et la fin de la location « gratuite » ou la poursuite de la location aux frais de la personne qui utilise le fauteuil.
Ce cadre se présente comme un compromis entre souplesse, maîtrise des dépenses et liberté de choix. Une lecture attentive montre pourtant une tension forte entre ces objectifs, avec un risque de fragilisation des droits réels des usagers, en particulier les plus précaires.
L’option d’achat : une nouvelle prescription et le même modèle
Pour déclencher l’option d’achat après six mois de location, le texte exige une nouvelle prescription médicale qui atteste de la continuité du besoin après la période initiale et qui confirme que le fauteuil reste indispensable pour l’usager. L’option d’achat porte uniquement sur le même modèle que celui loué. Le texte ferme donc explicitement la porte à un changement de modèle au moment de l’achat, même si l’expérience de six mois révèle des limites ou des inconforts.
La prolongation dérogatoire de 13 semaines
La réforme crée ensuite une possibilité de prolonger la location pour 13 semaines supplémentaires dans un cadre présenté comme « exceptionnel ». L’état du patient s’améliore, la disparition du besoin est attendue dans un délai inférieur à trois mois.
Cette prolongation reste soumise à un accord préalable de l’Assurance maladie ou de la MSA. Lorsque cette prolongation dérogatoire est activée, l’option d’achat disparaît : le texte considère alors que le besoin s’éteint à court terme.
Le refus d’achat et la poursuite sans prise en charge
Le texte rappelle enfin que, même avec une prescription d’achat, le patient conserve la liberté de refuser l’option. Dans ce cas soit le distributeur récupère le fauteuil, soit la location se poursuit, mais sans prise en charge par l’Assurance maladie.
La liberté de choix existe donc juridiquement, mais elle a un prix (le coût direct de la location pour l’usager ou la perte du fauteuil).
Une liberté encadrée par la contrainte économique
Juridiquement, le patient peut refuser l’achat. Une personne avec des ressources suffisantes peut prolonger la location à ses frais, le temps de trouver une autre solution. Une personne en situation de précarité se retrouve devant un choix binaire : accepter l’achat du modèle proposé ou renoncer au fauteuil.
Le blocage sur le « même modèle » : un essai qui devient enfermement
Après six mois de location, l’option d’achat porte uniquement sur le même modèle que celui déjà utilisé.
Que se passe-t-il si le fauteuil montre, après usage prolongé, des limites importantes (positionnement, autonomie, douleurs) ?
Si la personne identifie à ce moment un modèle mieux adapté, le texte ne prévoit aucune pivot possible dans le cadre de cette option.
L’essai de six mois, conçu comme un temps d’évaluation, se transforme en mécanisme d’enfermement sur un modèle précis.
Le dispositif organise ainsi une dépendance forte au choix initial de modèle, qui reste dans de nombreux cas contraint par le stock du distributeur, le délai, ou l’information disponible au départ.
Un recours soumis à accord préalable : risque de délai et d’incertitude
La nécessité d’un accord préalable de l’Assurance maladie introduit un risque d’allongement des délais et de l’incertitude pour l’usager. La personne ignore parfois l’issue de la demande au moment où la location arrive à terme.
Suppression automatique de l’option d’achat
Dès que la prolongation dérogatoire est accordée, l’option d’achat disparaît. Sur le plan de la cohérence interne du dispositif, ce point s’explique car le besoin prend fin à moyen terme.
Sur le plan de l’autonomie de la personne, la logique est moins évidente. Une personne peut souhaiter garder le fauteuil au-delà de la phase médicale stricte, pour sécuriser ses déplacements, gérer des fatigues, ou maintenir des marges d’autonomie.
Une charge supplémentaire pour les prescripteurs et une opacité pour les usagers
Le prescripteur se trouve au centre de plusieurs décisions (attester la continuité du besoin pour justifier l’achat, argumenter une demande de prolongation dérogatoire, expliquer les conséquences financières aux patients).
Ces décisions ont une portée financière importante pour l’Assurance maladie, mais aussi pour l’usager. Le texte ne mentionne ni outils de soutien décisionnel, ni référentiels partagés pour guider ces choix.
Patient qui loue le fauteuil
Pour un patient, la situation à six mois devient complexe. Une prescription d’achat existe, mais l’achat n’est pas obligatoire. Une prolongation à 13 semaines existe, mais elle dépend d’un accord administratif. La poursuite de la location au-delà de six mois reste possible, mais sans remboursement.
Pour que ce cadre devienne un véritable levier d’autonomie, il reste nécessaire de renforcer tout ce qui soutient la personne dans ce moment clé : information claire, accompagnement social, prise en compte des usages réels du fauteuil dans le projet de vie, et non uniquement dans la logique d’un besoin médical strict.